Jadis je me sentais unique,
Je vivais sous mes propres lois.
Aujourd’hui j’échange avec toi
La vie orageuse et mystique.
Songe, à ce transfert magnifique !
Par ce tendre appauvrissement
Je n’ai plus rien qui soit vraiment
Ma solitude et ma défense;
Et même quand la nuit commence,
Solitaire, avec le fardeau
De ta vague et pesante absence,
Le glissant enchevêtrement
Des sombres cheveux sur mon dos
N’appartient plus à mon repos,
Mais me rattache à toi. – Je pense
À ta suave bienfaisance,
Quand tu jettes à demi-mot,
À travers la grâce et l’offense,
Sur mon coeur bandé de sanglots,
Un chant moins long que mon écho…
Poème de l’amour
Poèmes de Anna de Brancovan, comtesse de Noailles